Ceci est une fiction ! Mais une fiction (malheureusement) très réaliste… Le genre de publication que vous pourriez croiser en dans votre fil LinkedIn entre deux réunions Zoom et un café tiède. Un concentré d’anglicismes en roue libre, saupoudré de buzzwords hors sol, le tout enveloppé dans un jargon hybride, à mi-chemin entre la Silicon Valley et la secte du développement personnel sous LSD. À la lecture, votre cerveau oscille entre perplexité et résignation, ses quelques neurones en garde partagée tentant désespérément de synchroniser une pensée cohérente.
🚨 Attention, pépite en approche 🚨
Hello la commu 👋,
Aujourd’hui, je vous partage mon framework perso pour naviguer l’incertitude et booster la quality de vos décisions dans un world full of complexity. Spoiler : ce n’est pas une question de data, mais de mindset 💡.
🔹 Step 1 : Engagez un Clean Slate Protocol
🔹 Step 2 : Refactorez votre thinking model
🔹 Step 3 : Alignez votre stack cognitive avec votre moonshot vision
🔹 Step 4 : Own your agency
🎯 Bottom line : Storytellez votre vie. Think deep. Ship fast. Stay human.
#MindsetFirst #PersonalOS #LeadershipReboot #OnNeSaitPasCeQueÇaVeutDireMaisÇaClaque
Ce n’est plus une publication. C’est une page de présentation digne d’un incubateur sous caféine, coécrite par un chatbot schizophrène et un coach en développement personnel dopé au Red Bull. On frôle parfois la novlangue : plus on empile les termes clinquants, moins on dit de choses. C’est de la communication performative, où l’on parle pour prouver qu’on parle, dans un théâtre d’idées creuses où la forme a définitivement pris le pouvoir sur le fond.
Ce que je trouve fascinant, en fait non, c’est triste à pleurer, c’est cette manie persistante de repeindre des idées floues avec une couche de peinture anglo-saxonne brillante. Comme si le simple fait de dire mindset au lieu d’état d’esprit offrait un brevet d’intelligence stratégique immédiat.
C’est le syndrome du vocabulaire vitaminé : tout sonne plus sérieux, plus technique, presque visionnaire… mais souvent, le fond s’évapore au premier souffle de bon sens. Derrière ces mots empruntés au globish d’entreprise se cache une pensée aussi légère qu’une story Instagram publiée à minuit : un peu floue, passagère, et surtout, sans lendemain.
Dire stack cognitive plutôt que réflexion structurée, c’est comme dire qu’on optimise la synergie neuronale quand on tente simplement de réfléchir sans se faire mal à la tête. Le mot impressionne, mais il agit surtout comme un camouflage pratique : ça fait illusion, et surtout, ça vous évite d’avoir à expliquer clairement ce que vous voulez dire.
Et soyons honnêtes : ce flou savamment entretenu arrange tout le monde. Il donne l’illusion de profondeur à ceux qui parlent, et une excuse toute trouvée à ceux qui n’osent pas demander ce que cela signifie.
Alors bien sûr, la langue évolue, les cultures se rencontrent, et les anglicismes peuvent parfois injecter un brin de vivacité ou de précision. Mais encore faut-il qu’ils servent la pensée plutôt qu’ils ne la maquillent. Car lorsque le franglais se mue en rideau de fumée lexical, lorsqu’il devient cet écran chic derrière lequel plus rien ne s’articule clairement, on ne parle plus pour transmettre une idée, mais pour donner l’illusion qu’il y en a une. On substitue la clarté par l’apparence, le sens par la posture. Dès lors, une question s’impose : s’exprime-t-on pour être compris, ou simplement pour paraître intéressant dans le reflet d’un jargon que personne n’ose interroger ?
Et surtout : est-ce qu’il nous reste encore quelque chose à dire qui ne soit pas une posture, un effet de manche ou un slogan en anglais mal digéré ? Est-ce que nous avons encore le courage d’une pensée claire, nue, sans vernis lexical ni storytelling artificiel ? Ou bien préférons-nous continuer à meubler le silence avec des mots qui brillent sans éclairer ?
À méditer… En français, idéalement.
Note finale : le texte en italique est, pour les plus curieux, une “traduction libre” du Discours de la Méthode de Descartes. Oui, celui qui pensait avant de shipper :
- Évidence : n’accepter pour vrai que ce qui est parfaitement clair et distinct.
- Analyse : diviser chaque difficulté en autant de petites parties que possible.
- Synthèse : conduire ses pensées du plus simple au plus complexe.
- Énumération : faire des dénombrements complets pour ne rien omettre.