Philippe Buschini Posts

Il y a quelques années, on se plaignait d’avoir trop d’informations. Aujourd’hui, notre cerveau continue de tourner à sa cadence naturelle… mais le monde, lui, a appuyé sur x20.

Alors on a voulu aller plus vite. Et on y est arrivé. Tellement vite que maintenant on ne lit plus, on scrolle. Tellement vite qu’on ne pense plus, on réagit. Et quand on n’a plus le temps de comprendre, on demande à une machine de nous résumer le monde. Nous avons confié aux algorithmes ce que nous faisions de plus humain : douter, chercher, tâtonner, penser. Ils répondent plus vite, plus clairement, plus sûrement que nous.

Et pourtant, quelque chose s’éteint dans cette perfection de surface : l’effort de comprendre, la joie de trouver, la lenteur du sens qui se forme.

Dans ce monde accéléré, la rapidité est devenue un idéal, presque une morale. Mais à force d’aller vite, on ne va plus nulle part : on réagit au lieu de réfléchir, on produit au lieu de penser. Et si la véritable intelligence, ce n’était pas la puissance de calcul, mais la capacité à ralentir ?

C’est de cela que parle cet article : de la vitesse qui façonne notre esprit, du piège de la pensée automatique, et de cette lenteur lucide qu’il nous faut réapprendre, non pas pour revenir en arrière, mais pour retrouver le goût d’habiter le monde avec attention.

Parce qu’à l’ère de l’intelligence artificielle, penser lentement n’est plus un luxe, c’est une forme de courage.

OPINION

Et si, à force de confier nos efforts à la machine, nous étions en train de désapprendre à penser ?

Autrefois, il fallait se perdre pour apprendre à s’orienter. Aujourd’hui, une voix synthétique nous guide pas à pas, et notre esprit s’endort doucement. Nous déléguons tout : la mémoire au cloud, la logique à l’algorithme, la décision à la recommandation. C’est confortable, fluide, presque magique. Mais ce confort a un prix : celui de la lente atrophie de l’effort intellectuel.

Nous appelons cela le progrès. Pourtant, derrière cette promesse d’efficacité se cache une dérive silencieuse : la paresse cognitive. Ce glissement insensible par lequel nous cessons de raisonner, douter, chercher, pour simplement valider ce qu’une machine nous propose.

Cet article explore ce phénomène, non pour accuser la technologie, mais pour interroger ce qu’elle fait de nous : des êtres toujours plus assistés, parfois brillants en apparence, mais de moins en moins présents à leur propre pensée.

Et si, à l’ère de l’assistance généralisée, penser devenait notre dernier acte de liberté ?

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Il fut un temps où l’on disait : « les Américains inventent, les Chinois copient, les Européens réglementent ». Aujourd’hui, les États-Unis dominent l’IA, la Chine fabrique les produits les plus avancés… et l’Europe regarde le train passer en débattant pour savoir si ChatGPT devrait dire “bonjour” en inclusif.

L’Europe est en train de perdre, sans bruit, la course mondiale à l’intelligence artificielle et à l’innovation. Les États-Unis inventent, financent et dominent : plus de 100 milliards de dollars investis dans l’IA en 2024, contre moins de 10 milliards pour la Chine et quelques miettes pour l’Europe. La Chine, elle, ne copie plus : elle contrôle désormais la production mondiale de robots, de batteries et de semi-conducteurs.

Pendant ce temps, l’Union européenne perfectionne son arsenal réglementaire, sans stratégie industrielle ni vision commune. La France aime se rêver en village gaulois : Mistral AI brille, Paris attire, mais 56 % des capitaux français s’exilent aux États-Unis, et les talents suivent.

Résultat : un continent qui réglemente ce qu’il ne produit plus, dépendant des clouds américains et des chaînes d’approvisionnement asiatiques. A n’y prendre garde, le risque est devenir définitivement une colonie numérique, simple consommatrice de technologies conçues ailleurs.

L’Europe peut encore réagir, en liant réglementation et stratégie industrielle, en investissant massivement, en unifiant ses marchés. Mais le train de l’innovation n’attendra pas ceux qui restent sur le quai à débattre de la couleur des wagons.

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344 fois par jour. C’est le nombre moyen de fois où un adulte consulte son téléphone, selon la BBC. Toutes les quatre minutes. Même la nuit, même sans raison, même sans notification.

Dans les forêts tropicales, il existe une fourmi qui grimpe sur une feuille, s’y fixe et meurt. Un champignon a pris le contrôle de son système nerveux pour mieux propager ses spores. Les biologistes appellent ça une infection parasitaire. Les poètes diraient : une dépossession du vivant.

Ce champignon a mis des millions d’années à perfectionner sa stratégie. Nos smartphones, eux, n’ont eu besoin que d’une décennie. Le parasite biologique force son hôte. Le parasite numérique, lui, a convaincu son hôte qu’il ne pouvait plus vivre sans lui.

Ce parallèle entre parasitisme biologique et colonisation numérique n’est pas une simple métaphore. C’est un mode opératoire. Les mêmes mécanismes, la même précision, le même résultat : un hôte qui travaille pour son parasite en croyant agir librement.

Alors la vraie question n’est peut-être pas : sommes-nous accros à nos écrans ? Mais à quel moment avons-nous cessé d’être les maîtres pour devenir l’hôte ?

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Voici le troisième et dernier volet de ma saga sur la confidentialité de nos données. Après avoir exploré nos propres renoncements et l’illusion de la transparence volontaire, il est temps de poser la question la plus dérangeante de toutes :

Que laissons-nous à nos enfants ? Non pas en héritage matériel, mais en héritage de regard.

Car ils naissent dans un monde où l’intime s’efface avant même d’avoir existé, où la surveillance se pare des habits du jeu, où la liberté se confond avec la connexion permanente. Ce qui fut pour nous une perte est pour eux une évidence. Là où nous voyons une atteinte à la vie privée, ils voient simplement la vie.

Cet article interroge ce glissement silencieux : comment transmettre la liberté intérieure à une génération qui n’a jamais connu le secret ? Comment enseigner la profondeur à ceux qu’on a habitués à l’exposition ? Et surtout, que restera-t-il de la liberté, si nous oublions de la leur apprendre ?

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