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Et si, à force de confier nos efforts à la machine, nous étions en train de désapprendre à penser ?

Autrefois, il fallait se perdre pour apprendre à s’orienter. Aujourd’hui, une voix synthétique nous guide pas à pas, et notre esprit s’endort doucement. Nous déléguons tout : la mémoire au cloud, la logique à l’algorithme, la décision à la recommandation. C’est confortable, fluide, presque magique. Mais ce confort a un prix : celui de la lente atrophie de l’effort intellectuel.

Nous appelons cela le progrès. Pourtant, derrière cette promesse d’efficacité se cache une dérive silencieuse : la paresse cognitive. Ce glissement insensible par lequel nous cessons de raisonner, douter, chercher, pour simplement valider ce qu’une machine nous propose.

Cet article explore ce phénomène, non pour accuser la technologie, mais pour interroger ce qu’elle fait de nous : des êtres toujours plus assistés, parfois brillants en apparence, mais de moins en moins présents à leur propre pensée.

Et si, à l’ère de l’assistance généralisée, penser devenait notre dernier acte de liberté ?

OPINION

Il fut un temps où l’on disait : « les Américains inventent, les Chinois copient, les Européens réglementent ». Aujourd’hui, les États-Unis dominent l’IA, la Chine fabrique les produits les plus avancés… et l’Europe regarde le train passer en débattant pour savoir si ChatGPT devrait dire “bonjour” en inclusif.

L’Europe est en train de perdre, sans bruit, la course mondiale à l’intelligence artificielle et à l’innovation. Les États-Unis inventent, financent et dominent : plus de 100 milliards de dollars investis dans l’IA en 2024, contre moins de 10 milliards pour la Chine et quelques miettes pour l’Europe. La Chine, elle, ne copie plus : elle contrôle désormais la production mondiale de robots, de batteries et de semi-conducteurs.

Pendant ce temps, l’Union européenne perfectionne son arsenal réglementaire, sans stratégie industrielle ni vision commune. La France aime se rêver en village gaulois : Mistral AI brille, Paris attire, mais 56 % des capitaux français s’exilent aux États-Unis, et les talents suivent.

Résultat : un continent qui réglemente ce qu’il ne produit plus, dépendant des clouds américains et des chaînes d’approvisionnement asiatiques. A n’y prendre garde, le risque est devenir définitivement une colonie numérique, simple consommatrice de technologies conçues ailleurs.

L’Europe peut encore réagir, en liant réglementation et stratégie industrielle, en investissant massivement, en unifiant ses marchés. Mais le train de l’innovation n’attendra pas ceux qui restent sur le quai à débattre de la couleur des wagons.

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344 fois par jour. C’est le nombre moyen de fois où un adulte consulte son téléphone, selon la BBC. Toutes les quatre minutes. Même la nuit, même sans raison, même sans notification.

Dans les forêts tropicales, il existe une fourmi qui grimpe sur une feuille, s’y fixe et meurt. Un champignon a pris le contrôle de son système nerveux pour mieux propager ses spores. Les biologistes appellent ça une infection parasitaire. Les poètes diraient : une dépossession du vivant.

Ce champignon a mis des millions d’années à perfectionner sa stratégie. Nos smartphones, eux, n’ont eu besoin que d’une décennie. Le parasite biologique force son hôte. Le parasite numérique, lui, a convaincu son hôte qu’il ne pouvait plus vivre sans lui.

Ce parallèle entre parasitisme biologique et colonisation numérique n’est pas une simple métaphore. C’est un mode opératoire. Les mêmes mécanismes, la même précision, le même résultat : un hôte qui travaille pour son parasite en croyant agir librement.

Alors la vraie question n’est peut-être pas : sommes-nous accros à nos écrans ? Mais à quel moment avons-nous cessé d’être les maîtres pour devenir l’hôte ?

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Voici le troisième et dernier volet de ma saga sur la confidentialité de nos données. Après avoir exploré nos propres renoncements et l’illusion de la transparence volontaire, il est temps de poser la question la plus dérangeante de toutes :

Que laissons-nous à nos enfants ? Non pas en héritage matériel, mais en héritage de regard.

Car ils naissent dans un monde où l’intime s’efface avant même d’avoir existé, où la surveillance se pare des habits du jeu, où la liberté se confond avec la connexion permanente. Ce qui fut pour nous une perte est pour eux une évidence. Là où nous voyons une atteinte à la vie privée, ils voient simplement la vie.

Cet article interroge ce glissement silencieux : comment transmettre la liberté intérieure à une génération qui n’a jamais connu le secret ? Comment enseigner la profondeur à ceux qu’on a habitués à l’exposition ? Et surtout, que restera-t-il de la liberté, si nous oublions de la leur apprendre ?

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Suite à mon article « Ai-je quelque chose à cacher » ( https://www.buschini.com/de-toute-facon-je-nai-rien-a-cacher/ ) , les questions reçues m’ont poussé à prolonger la réflexion. Ce texte explore les dimensions philosophiques et existentielles de notre étrange acceptation à livrer notre intimité, parfois avec résignation, parfois avec insouciance.

Nous croyons naviguer libres, mais nous avançons dans un étrange bestiaire de mythes revisités. Comme Narcisse, nous nous penchons sur le miroir numérique, fascinés par un reflet qui finit par nous engloutir. Comme Sisyphe, nous portons le fardeau d’une mémoire sans oubli : chaque donnée s’ajoute au rocher qui nous écrase sans jamais redescendre. Comme Prométhée, nous offrons nos traces à un système qui se repaît de nous sans fin. Comme dans le Panoptique, nous vivons sous un regard invisible, mais pire encore : nous avons appris à l’anticiper, devenant nos propres geôliers.

Nous ne perdons pas seulement des données, nous perdons des dimensions essentielles de l’humain : l’intériorité qui permet de penser sans témoin, l’oubli qui rend possible la renaissance, l’autonomie d’être soi, l’hétéronomie d’être plusieurs.

La servitude numérique n’a pas besoin de chaînes, elle s’impose par la fluidité, la séduction, l’habitude. Alors la vraie question n’est plus : « ai-je quelque chose à cacher ? », mais : « combien de temps encore resterai-je capable de préserver ce qui fait de moi un être libre ? »

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