Il y a un moment étrange où l’on réalise que quelque chose a basculé. On se connecte, on scrolle, on clique… et on sent une usure sourde, comme si chaque geste demandait un peu plus d’énergie qu’hier. Les services qu’on aimait deviennent lourds, bavards, saturés de sollicitations. On se surprend à soupirer devant un fil d’actualité qui ressemble de moins en moins à une conversation, et de plus en plus à un hall de supermarché sous amphétamines.
Ce glissement n’a rien d’une anecdote. C’est une mécanique précise, patiente, presque géométrique. D’abord les plateformes nous séduisent, puis elles nous serrent, enfin elles nous pressent. Et nous restons là, persuadés que c’est la normalité. Parce que “tout le monde y est”. Parce que partir coûterait trop cher, trop de données, trop de liens, trop d’habitudes.
Et si cette lente détérioration n’était pas une fatalité, mais un système ?
Et si nos outils, conçus pour nous simplifier la vie, étaient devenus des machines à éroder notre attention, nos savoirs et parfois même nos institutions ?
Nous sommes peut-être entrés dans un âge où la technologie ne se contente plus de dysfonctionner : elle s’abîme méthodiquement, et nous avec. L’enjeu n’est plus de s’indigner, mais de comprendre. Parce qu’une mécanique, une fois décodée, cesse d’être un piège.




