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Voici le troisième et dernier volet de ma saga sur la confidentialité de nos données. Après avoir exploré nos propres renoncements et l’illusion de la transparence volontaire, il est temps de poser la question la plus dérangeante de toutes :

Que laissons-nous à nos enfants ? Non pas en héritage matériel, mais en héritage de regard.

Car ils naissent dans un monde où l’intime s’efface avant même d’avoir existé, où la surveillance se pare des habits du jeu, où la liberté se confond avec la connexion permanente. Ce qui fut pour nous une perte est pour eux une évidence. Là où nous voyons une atteinte à la vie privée, ils voient simplement la vie.

Cet article interroge ce glissement silencieux : comment transmettre la liberté intérieure à une génération qui n’a jamais connu le secret ? Comment enseigner la profondeur à ceux qu’on a habitués à l’exposition ? Et surtout, que restera-t-il de la liberté, si nous oublions de la leur apprendre ?

OPINION

Suite à mon article « Ai-je quelque chose à cacher » ( https://www.buschini.com/de-toute-facon-je-nai-rien-a-cacher/ ) , les questions reçues m’ont poussé à prolonger la réflexion. Ce texte explore les dimensions philosophiques et existentielles de notre étrange acceptation à livrer notre intimité, parfois avec résignation, parfois avec insouciance.

Nous croyons naviguer libres, mais nous avançons dans un étrange bestiaire de mythes revisités. Comme Narcisse, nous nous penchons sur le miroir numérique, fascinés par un reflet qui finit par nous engloutir. Comme Sisyphe, nous portons le fardeau d’une mémoire sans oubli : chaque donnée s’ajoute au rocher qui nous écrase sans jamais redescendre. Comme Prométhée, nous offrons nos traces à un système qui se repaît de nous sans fin. Comme dans le Panoptique, nous vivons sous un regard invisible, mais pire encore : nous avons appris à l’anticiper, devenant nos propres geôliers.

Nous ne perdons pas seulement des données, nous perdons des dimensions essentielles de l’humain : l’intériorité qui permet de penser sans témoin, l’oubli qui rend possible la renaissance, l’autonomie d’être soi, l’hétéronomie d’être plusieurs.

La servitude numérique n’a pas besoin de chaînes, elle s’impose par la fluidité, la séduction, l’habitude. Alors la vraie question n’est plus : « ai-je quelque chose à cacher ? », mais : « combien de temps encore resterai-je capable de préserver ce qui fait de moi un être libre ? »

OPINION

Combien de fois avez-vous prononcé cette phrase en acceptant machinalement les cookies d’un site ?

Hier matin, j’observais ma fille consulter son téléphone. Un simple geste anodin. Pourtant, en quelques secondes, elle venait de révéler son humeur du moment, ses habitudes de sommeil, sa géolocalisation, et même ses projets pour la soirée.

Sans le savoir, elle alimentait son « portrait numérique invisible » – cette silhouette constituée de milliers de micro-traces que nous semons chaque jour.

Le problème ? Ce portrait ne vous appartient plus. Il circule, se vend, s’enrichit. Il peut prédire vos envies avant même que vous les ressentiez. Et entre de mauvaises mains, il devient une arme redoutable.

La vraie question n’est pas « Qu’est-ce que vous cachez ? » Mais « Pourquoi devriez-vous renoncer à votre vie privée ? »

Dans un monde où l’oubli devient impossible, où chaque clic dessine votre futur, la protection de vos données n’est plus un luxe individuel : c’est la condition même de votre liberté.

OPINION

Et si l’arrivée de l’IA en médecine ne sonnait pas la fin des médecins, mais le début d’une nouvelle ère du soin ?

Depuis Hippocrate, le médecin tire sa légitimité de son savoir. Or, pour la première fois dans l’histoire moderne, il n’est plus forcément celui qui en sait le plus. Les IA diagnostiquent plus vite, voient ce que l’œil humain ne peut saisir, et parfois même rédigent des réponses que les patients jugent plus rassurantes que celles d’un professionnel.

Alors, faut-il craindre la disparition du médecin ? Ou repenser sa place, son rôle, sa valeur ajoutée dans un monde où l’expertise se partage entre humain et machine ?

OPINION

La semaine dernière, je vous parlais des fourmis, ces êtres discrets qui tiennent le monde debout pendant que d’autres paradent sur scène. Cette semaine encore, je ne parlerai pas d’intelligence artificielle, de robots, d’algorithmes ou d’IA génératives …

Aujourd’hui encore, je reste dans cette veine très humaine, très intime. Encore de nous. Toujours de nous. Parce qu’avant de comprendre ce que les machines font à notre pensée, il faut peut-être d’abord comprendre ce que nous avons fait à notre propre capacité de penser.

Cette fois, je vous emmène dans un territoire plus subtil, plus troublant : celui de notre rapport à nos propres idées. Un glissement silencieux qui nous concerne tous, connectés ou pas, technophiles ou technophobes.

Promis, dès la semaine prochaine, je reprends mon cycle « L’IA dans tous ses états ». Mais pour l’instant, laissez-moi encore vous parler de cette chose étrange qui nous arrive quand nous cessons d’habiter nos propres questions…

Vous tapez une question dans votre moteur de recherche. En 0,3 seconde, vous avez votre réponse. Satisfaisant, non ?

Pourtant … quelque chose d’étrange se passe. Cette facilité déconcertante cache peut-être une transformation plus profonde de notre rapport à la pensée.

Il fut un temps où chercher, c’était déjà un acte. Où ne pas savoir immédiatement n’était pas un problème à résoudre, mais un espace à habiter. Aujourd’hui, nous glissons d’une réponse à l’autre, d’un contenu pré-mâché au suivant. Nous validons plus que nous ne choisissons. Nous appliquons plus que nous ne comprenons.

Mais que se passe-t-il quand penser devient optionnel ? Entre l’efficacité séduisante de nos outils et notre ancienne habitude de réfléchir par nous-mêmes, un glissement silencieux s’opère. Pas brutal, pas visible. Juste… confortable.

La question n’est pas de savoir si la technologie est bonne ou mauvaise. Elle est ailleurs, plus intime : reconnaissons-nous encore notre propre voix quand nous pensons ?

BILLET D'HUMEUR