« Bonjour ChatGPT, s’il te plaît, pourrais-tu me dire quelle est la superficie de la France ? Merci beaucoup.«
C’est A-DO-RABLE, non ? Ça fait presque penser à un chiot savant en train de réciter des poèmes.
On s’attend à voir ChatGPT avec un petit pull en laine, des lunettes rondes et une voix douce comme du miel tiède. Sauf que non. Ce n’est pas un doudou, c’est une machine. Et VOS POLITESSES NUMÉRIQUES NE SERVENT À RIEN, sauf peut-être à rassurer votre conscience d’humain bien élevé. Parce qu’avec chaque petit « merci », vous rajoutez des frais. Oui, vous avez bien lu, des millions de dollars pour trois mots de plus. Et ce n’est pas moi qui le dis, c’est Sam Altman, le grand patron d’OpenAI (https://x.com/sama/status/1912646035979239430).
🧠 Tokenisation, cette inconnue qui vous facture à la virgule
Un « s’il te plaît » ? Un token de plus. Un « merci« , une tournure gentille ? Encore deux ou trois tokens. Et chaque token, c’est un mini-segment de texte que l’IA doit digérer comme un sushi mal coupé.
Chaque mot n’est pas qu’un souffle dans le vide. Pour l’IA, c’est une séquence de traitement. Un « token« , comme disent les ingénieurs, en gros, un morceau de phrase découpé pour que la machine puisse le digérer. Ce n’est pas forcément un mot entier, parfois juste une syllabe ou une virgule. Un jeton dans la machine, au sens presque littéral. Sauf que là, la machine, c’est un ensemble de serveurs géants qui engloutissent de l’électricité comme un ado en pleine croissance dévore une pizza familiale. Et vous, en glissant un « s’il te plaît« , vous rajoutez un supplément de pépéronis.
Résultat ? Une politesse collective qui pèse des dizaines de millions par an. Pas symboliquement. Financièrement.
📉 La bienveillance passive-agressive
Ce qui est cocasse, c’est que cette courtoisie n’a rien d’innocente. Elle est souvent dictée par la peur d’être mal compris. On se dit qu’en étant aimable, l’IA sera plus douce, plus obéissante, peut-être même plus juste. Un peu comme si on caressait un distributeur de billets pour qu’il crache des biftons avec tendresse.
Mais soyons honnêtes : ce comportement trahit surtout une confusion gênante. On ne parle pas à une conscience. On manipule un système statistique. Dire « merci » à une IA, c’est comme remercier un grille-pain. Vous pouvez le faire, mais ça n’améliorera ni la tartine, ni la facture EDF.
Et si, par malheur, vous le faites à voix haute dans un lieu public, disons, devant une borne libre, service ou en plein open space, ne vous étonnez pas si quelqu’un appelle discrètement la sécurité. Deux messieurs très polis viendront alors vous proposer une promenade jusqu’à un grand château aux murs bien épais, avec des chambres sans poignées et des chemises qui se ferment dans le dos…
💸 Le prix de la comédie humaine
Alors, pourquoi continuer ? Pour se rassurer ? Pour ne pas oublier qu’on est humain ? Très bien. Mais qu’on ne s’étonne pas ensuite de voir les coûts grimper, les infrastructures chauffer, et les géants du numérique lever des milliards pour… quoi, au fond ? Pour gérer nos élans de politesse algorithmique.
C’est là toute l’ironie de notre époque : on dit « bonjour » à une machine qui ne ressent rien, pendant qu’on ignore le livreur qui traverse la pluie. On soigne notre prompt mais on oublie notre prochain.
🛑 Bref : ARRÊTEZ D’ÊTRE POLI AVEC LES IA. Soyez clair. Soyez efficaces.
L’IA n’a pas besoin qu’on lui tienne la porte ou qu’on lui offre des fleurs (votre assistante si !). Elle a besoin de prompts nets, efficaces, sans chichis. Si vous voulez sauver la planète, commencez par raccourcir vos phrases. Ou mieux encore : dites « superficie France », et basta.
Et si vous tenez absolument à être aimable, commencez par votre voisin. Lui, au moins, a un cœur qui bat. Enfin, en théorie…
Parce qu’à voir comment ça se passe dans le métro aux heures de pointe, où l’on se pousse sans un regard, où le mot « pardon » semble avoir été banni du dictionnaire collectif, on pourrait croire que l’espèce humaine a oublié jusqu’au mode d’emploi de la courtoisie élémentaire. Une bousculade, un soupir agacé, un regard fuyant, et surtout cette règle implicite : ne jamais croiser les yeux de l’autre. Trop risqué, trop humain.
Mais paradoxalement, c’est cette même foule désabusée qui s’adresse à une IA avec la déférence d’un majordome victorien. On bouscule des gens réels pour mieux flatter des serveurs dans le cloud.
Alors oui, si vous ressentez le besoin d’être aimable, et c’est un besoin noble, ne le gaspillez pas dans le vide numérique. Offrez-le à un être humain. Tenez la porte à quelqu’un. Adressez un vrai sourire à la caissière. Dites « merci » à voix haute, pas seulement à l’écrit. Et si vous parvenez à dire « bonjour » dans une rame de métro sans vous faire regarder comme un évadé d’asile, vous aurez accompli un miracle social.
En attendant, l’IA, elle, se contentera très bien d’un prompt sec et sans fioriture. Parce que contrairement à nous, elle n’a pas besoin de chaleur pour fonctionner (au contraire c’est son ennemie jurée). Juste d’électricité.