FOPO, tais-toi et fais comme si !

La semaine dernière, on parfumait déjà le bullshit RH à la lavande avec les KPIs de la bienveillance et le smoothie de la Happiness Attitude. On pensait avoir touché le fond du jacuzzi émotionnel. Mais non. L’entreprise moderne a encore innové.

Cette semaine, place à une nouvelle spécialité de la fatigue mentale gourmet : le FOPO. Fear Of People’s Opinions ou la Peur du regard des autres en bon français dans le texte.

Ou comment s’épuiser à anticiper ce que pense de toi Valérie du service juridique, tout en feignant l’enthousiasme devant une réunion “ludique” avec un ice-breaker en papier kraft.

Autrefois, on avait peur du croque-mitaine ou de mamie Jacqueline quand elle retirait son dentier. Aujourd’hui, le monstre se cache dans la salle de pause, sous la forme d’un “Tu viens à la réunion de co-développement ?”.

La peur de ce que les autres pensent de toi. De ta manière de t’asseoir de t’habiller. De ton PowerPoint un peu terne. De ton silence en réunion. Et ne fais pas semblant cette peur :

  • Tu l’as quand tu ris comme une otarie constipée à une blague du directeur financier.
  • Tu l’as quand tu t’inventes une passion pour le design thinking alors que tu rêves juste de bosser sans qu’on te dise de “penser en mode solution”.
  • Tu l’as quand tu valides un projet absurde parce que tout le monde dit que c’est “porteur de sens”.

Mais ce n’est pas entièrement ta faute.

C’est ton cerveau. Il date de l’époque où être rejeté par la tribu signifiait finir tout nu dans la forêt à manger des racines et négocier ton territoire avec un sanglier nerveux en pleine crise existentielle.

Aujourd’hui, ça s’appelle : “ne pas être dans la dynamique d’équipe”. Une forme d’exclusion douce, mais stratégique.

C’est là qu’intervient notre super-héros du mieux-être managérial, docteur en psychologie de la performance et conférencier corporate : le Dr Michael Gervais. L’homme qui a mis un acronyme chic sur ta paranoïa de bureau : le FOPO.

Un mot qui désigne une fatigue sociale normée et optimisée, mais qui sonne comme un comité transverse. Le FOPO serait un processus structuré en trois étapes :

1. Anticipation proactive

“Et si je propose une idée et qu’on me regarde comme si j’étais déconnecté du terrain ?”

→ Tu scénarises ton propre échec avant d’ouvrir la bouche. Et tu deviens ton propre contre-pouvoir émotionnel. Bravo, tu es agile.

2. Monitoring comportemental avancé

“Pourquoi elle m’a regardé en coin pendant ma présentation ? Mon graphique était trop flou ? Ma voix trop monotone ?”

→ Tu actives ton radar à signaux faibles. Tu lis dans les regards vides comme dans un manuel de communication non violente. Et tu passes plus de temps à analyser les sourcils qu’à comprendre la stratégie.

3. Adaptation stratégique contextualisée

“Je vais reformuler comme Jérôme l’a dit, ça avait l’air d’avoir plus de poids.”

→ Tu consens. Tu t’ajustes. Tu t’évapores.

Mais attention, tu ne disparais pas. Tu collabores. Tu es un acteur engagé de la co-construction. Un professionnel mature, capable de mettre de côté son ego au profit du projet collectif.

En vrai et sans novlangue, tu fais semblant pour pas te faire flinguer au prochain bilan à 360°.

Heureusement, le Dr Gervais a la solution miracle : « RESPIRE et reconnecte-toi à ton essence”. Alors, entre deux visios, trois livrables et un afterwork où tu dois faire genre tu as “hâte de créer du lien”, tu dois retrouver ton moi profond.

Sauf qu’il est en burn-out, ton moi profond. Il en peut plus d’avaler du kombucha tiède tout en hochant la tête pendant qu’un consultant qui n’a jamais réellement travaillé de sa vie dans une vraie entreprise, t’explique comment “cultiver la sécurité psychologique”.

ARRETE tout de suite Rends-toi ce service : lâche ce sourire de performance et quitte la salle avant que quelqu’un ne dise “on va faire un tour de table en mode météo intérieure”. Même si ça te coûte une remarque passive-agressive en réunion d’équipe.

Parce qu’au fond, ce n’est pas grave d’être un peu à côté. Ce qui l’est, en revanche, c’est de finir comme une charte d’entreprise : vidée de tout sens, relue par dix managers, puis morte-née dans un classeur que plus personne n’ouvre..

Mais si vraiment tu as trop peur de déplaire, pas de panique : il existe un atelier expérientiel pour ça. Animé par deux coachs certifiés, il t’aide à “oser ta vérité dans un cadre bienveillant”. On en parlera dans un autre billet d’humeur très prochainement…

Et en bonus, tu repartiras avec un tote bag en textile responsable labellisé “Engagé Local” floqué du mantra transformationnel “Être soi, c’est déjà un début de cheminement”, ainsi qu’un livret éco-conçu en fibres recyclées intitulé “Réaligner sa trajectoire de vie par une alimentation consciente et végétale”, préfacé par un expert en nutrition holistique et résilience intérieure.

Allez, courage… Active ton potentiel d’alignement intérieur. Et surtout… veille à co-construire, en conscience et en synergie, une sincérité durable, éthique et régénérative.

…Ou alors, libère-toi de tout ça. Et cesse de t’optimiser et de “faire comme si”. Débranche-toi cet opéra de façade qu’on ose encore appeler culture d’entreprise et renonce à cette sincérité sous surveillance. Redeviens ce que personne ne peut évaluer, ni noter : toi-même.

Parce qu’au fond, si les gentils vont au paradis, toi, tu vas là où tu choisis vraiment d’exister, sans masque, sans pitch, sans storytelling.